Plus j’observe le monde, plus il m’apparait absurde. Alors bon, pas à cause des guerres, des pillages, des catastrophes en tous genres-même s’il y a de quoi, mais surtout à cause de notre façon de vivre.
Quand je sors, je veux dire, surtout lorsque je dois aller faire des courses au supermarché ou « pire », lorsque je dois acheter un vêtement et que je me rends dans une galerie ou un shopping Center.
Ça me fait peur. Vraiment.
D’une part, parce que je vois toute cette consommation, le volume de biens achetés qui vont atterrir dans une décharge un jour et qui pollueront les océans après. Et je ne fais pas partie de ceux qui se disent « on n’y peut rien alors tant pis ». Je me sens responsable de ce que je produis. Et en observant comment se passe la consommation, je trouve cela absurde.
D’autre part, parce que je ne peux pas m’enlever de la tête que toute cette consommation est la stratégie que bon nombre d’êtres humains a mise en place pour calmer son mal-être.
Notre monde dit civilisé a produit des êtres conditionnés à vivre une vie de consommation. Et sur le chemin de ce conditionnement, chacun a perdu son authenticité, la connexion avec son « soi-même » et avec son pouvoir créatif.
Lorsque je me suis retrouvée seule, après deux mariages ratés, un peu beaucoup groggy, quand-même, je m’en suis posé, des questions ! Et j’ai patiemment dénoué les fils de la pelote de ma vie.
J’ai tiré tous les fils, un à un.
En regardant de plus près, j’ai rapidement fait quelques constats interpellants.
J’ai vécu à l’époque où les enfants devaient être sages, polis, « bien élevés ». Moi j’ai presqu’envie de dire « bien dressés ». Petite, j’allais à l’école (avec un père instituteur, de surcroit), et j’avais pour mandat de revenir avec des notes excellentes (d’autant que les test QI qu’on faisait à l’époque avaient révélé que j’avais tout explosé). Je devais être une écolière consciencieuse, obéissante, sage, pas trop remuante. Mes petites sœurs et moi attendions avec (im)patience la St Nicolas pour recevoir les jouets dont nous rêvions et que nous avions sélectionnés dans les magasines que les distributeurs ne manquaient pas de nous poster dans la boite aux lettres les semaines précédant le 6 décembre. C’était à peu de choses près, le même scénario pour Noël, Pâques, et nos anniversaires. Nous regardions avec envie nos amis et voisins partir en vacances (mes parents n’avaient pas les moyens de partir) jusqu’à mes 15 ans, première fois où nous sommes partis dans le sud de la France en camping.
Ma scolarité s’est passée sans anicroche, de la primaire à la Fac. Je me suis toujours consciencieusement conformée à ce qu’on me demandait, en étudiant beaucoup et fort – et en trichant aux examens de maths et de physique. Faut dire que maths, j’ai décroché en 3è primaire, mais personne ne s’en est rendu compte car cela n’intéressait personne de le savoir. Ce qui intéressait – et intéresse toujours- les enseignants, c’est 1) de voir leur programme 2) que la majorité réussisse.
Comment elle réussit. Et surtout qui sont ceux qui n’y arrivent pas, pfft ! exit ! On ne s’en préoccupe pas, on avance, le programme n’attend pas. De toutes façons, j’étais « littéraire », voilà c’était dit. Je n’avais plus qu’à me diriger vers les seules filières accessibles à mon pauvre cerveau littéraire et oublier tout ce qui contenait peu ou prou des maths et de la physique et tout irait bien pour moi. Le conseiller d’orientation m’a communiqué que le seul espoir pour moi était de faire la philologie germanique ou latine, c’était à peu près tout. J’ai fait la traduction – j’avoue que j’étais amoureuse des mots – avec l’ambition de faire l’interprétariat.
Autour de moi, les gens étaient mariés, avaient des enfants, un chien ou un chat, ou les deux, une maison, s’achetaient des choses – nouvelle voiture, nouvelle maison, nouveau mobilier- ce qui constituait des occasions d’aller rendre visite pour admirer les nouvelles acquisitions. Ils partaient en vacances. Allaient au boulot – toujours le même, au même endroit, en décomptant les années qui séparaient de la retraite considérée comme le paradis sur terre, une fois le devoir accompli : devoir de parents d’avoir permis à leurs enfants de prendre leur envol, devoir de travailleur d’avoir capitalisé ses années pour obtenir la retraite. Retraite si possible dans la maison complètement payée, bien aménagée, et qui sait, avec un petit coin au soleil qui les accueillerait la moitié de l’année.
Voilà le scénario parfait.
A contrario, tout ce qui venait faire obstacle à la réalisation de ce tableau idyllique était vécu comme le drame suprême : divorce, drame pour les adultes mais aussi pour leurs enfants qui étaient stigmatisés et rejetés en cour de récré, veuvage – surtout pour un homme, qu’allait il donc devenir sans femme pour prendre soin de lui ? Perte d’emploi assorti ou non de chômage – oh ! Mon Dieu ! Comment allaient-ils faire pour assumer le remboursement de la maison ? Devraient-ils vendre ? Acheter plus petit ? Louer ? Oh les pauvres !! (Genre c’était une quasi déchéance de se voir « rétrogradé » de la sorte).
En résumé : on était un enfant sage qui apprenait bien à l’école, on faisait des études pour faire un bon métier, se marier, acheter une maison, faire des enfants, partir en vacances, partir à la retraite, et mourir heureux. Ce qui nous donnait le sens de la vie réussie était notre capacité à acquérir des biens matériels et d’avoir le pouvoir d’achat permettant de « bien en profiter ». A savoir, dépenser de l’argent : en biens, en loisirs, en vacances.
Sauf que cette nécessité d’accumuler des biens matériels et de pouvoir dépenser, assortie du choix souvent inadéquat, fréquemment carrément désastreux, d’orientation de carrière a transformé les gens en êtres frustrés, allant au boulot les pieds de plomb voire la boule au ventre, pour aller pointer ses heures et chercher son salaire en fin de mois, sautant de joie le vendredi soir et déprimant le lundi matin …
Et pour parfaire le tableau, chacun étant passé à la moulinette du conditionnement et du conformisme, se retrouve « porteur » d’une incapacité avérée à voir le monde autrement, à trouver d’autres façons de vivre, de se questionner ou de questionner le monde. Chacun continue à vivre de la même façon, répétant les mêmes journées, les mêmes gestes, les mêmes activités, vacances, avec les mêmes personnes – famille ou amis – jusqu’à la mort.
Et le mal-être grandit. Qui parmi tous ces êtres humains, fait le métier dont il rêvait petit, ou un métier qui l’épanouit vraiment ? Qui fait son métier en y trouvant du sens, en pensant qu’il sert vraiment à quelque chose, que cela fait la différence ?
Car voilà bien une chose commune à l’Homme : vouloir contribuer, servir à quelque chose, représenter une valeur ajoutée, compter….
A force d’éduquer les enfants, et ce, depuis des générations, à se former pour aller chercher un salaire, plutôt que de les accompagner à identifier ce qui les rend heureux, ce qu’ils souhaitent accomplir dans leur vie, comment ils vont contribuer à ce monde, « on » a rendu les hommes malheureux et insatisfaits.
Et comme on n’a appris à personne à questionner (à savoir : remettre en question), on a cru que la solution était dans l’équilibre « nombre d’heure passées au boulot / bien-être au boulot VS nombre d’heures à la maison et bien-être personnel » mais toujours, toujours, sous le prisme « aller chercher son salaire pour avoir un bon pouvoir d’achat ».
Jamais il n’est question d’auto-réalisation, de ce qui fait vibrer, de ce dont on rêvait, de ce qui nous donnerait de la joie et de la légèreté….
Jamais il n’est question, non plus, de la possibilité de mettre en œuvre ce qui doit l’être pour nous permettre de nous créer une autre vie. On change de boulot pour avoir de meilleures conditions pour nourrir son pouvoir d’achats. Le nec plus ultra étant, si possible, de se faire « chasser » par un recruteur. La progression sans action.
Et voilà bien un aspect d’un des plus gros de nos conditionnements : on attend. On nous a tellement appris à attendre le bon moment, attendre d’avoir l’ancienneté nécessaire, attendre de « mériter » pour pouvoir être promu, récompensé, ou simplement félicité et reconnu, qu’on n’imagine pas un seul instant que nous puissions être des créateurs de notre vie, de notre avenir.
On espère que ça change un jour. L’espoir fait vivre comme dirait l’autre…
Moi, je sais pas. Il me semble que l’espoir ressemble davantage à une condamnation à mort avec l’espoir que la chaise électrique tombe en panne.
L’espoir ne fait pas vivre. Il aide à subir.
C’est le carburant du procrastinateur, de celui qui ne veut pas prendre la responsabilité de son destin. L’espoir, ce sont les 5, 10, 15 , 30 minutes qu’on rajoute au réveil en se disant qu’on sera peut-être moins fatigué avec cette rajoute de temps. L’espoir, c’est un analgésique qui permet de faire taire ce mal-être qui nous habite, juste en brassant quelques pensées sur la vie qu’on pourrait éventuellement avoir, quand on aura ci ou ça, si les choses se mettent bien, bref, avec toutes les bonnes conditions réunies au préalable…
Un des véritables carburants du changement, à mon sens, c’est la foi. Avoir la foi, c’est avoir en soi, cette intime conviction que ce vers quoi on tend est la bonne chose, que quoi qu’il en coûte, on peut y arriver, qu’on est prêt à faire ce qu’il faut, à en chier, même, tout en gardant à l’esprit que ça peut aussi se dérouler dans l’aisance et la légèreté.
Mais pas en mode étoile de mer. L’etoile de mer, c’est l’espoir. C’est le syndrome du tout, tout de suite, sans effort. Le syndrome « X factor », « Tel pay’s got talent », « The Voice”, “Star Academy”. La célébrité, le succès, le rêve, le tout acquis en quelques mois de show.
La foi, c’est la conviction que non, ce n’est pas facile, mais on peut. Que oui, y’a des obstacles mais on peut. Que ça parait fou, mais qu’on y croit et qu’on met tout ce qu’on a dans le ventre, dans le cerveau et le cœur pour y arriver. Einstein disant que la véritable folie était d’attendre un résultat différent en faisant comme on a toujours fait. La foi, c’est aussi la décision que non, on ne va pas abandonner. Qu’on se relèvera autant de fois qu’il le faudra. La foi, c’est parfois cette rage d’y arriver et parfois cette douce et apaisante sensation de paix intérieure à l’idée d’atteindre son objectif.
Aisance et légèreté ne veut pas dire « ouvrir le bec » et attendre que ça tombe tout cuit dedans. Non. Ça veut dire que nous sommes décidés à mettre en œuvre ce qui doit l’être pour y arriver et ce que nous mettons en œuvre provoque un enchainement de circonstances et de rencontres favorables à la concrétisation de notre objectif. Goethe disait, dans son texte « l’engagement » : « … Dès le moment où on s’engage pleinement, la providence se met également en marche. Pour nous aider, se mettent en œuvre toutes sortes de chose qui sinon n’auraient jamais eu lieu…».
Car elle est là, la véritable magie : lorsque tu te choisis, toi, et que tu passes à l’action, pour te construire ta vie, c’est comme si l’univers entier conspirait pour t’aider.
Et c’est là que tu fais des rencontre incroyables de gens incroyables, que sur ton chemin apparaissent les choses dont tu as besoin pour y parvenir. Et plus tu poses d’actes pour te construire ta vie, et plus tu es dans ton élan de vie, et plus ta vie devient légère et pétillante.
Laisse tomber l’espoir. L’espoir, c’est jouer sa vie aux dés…
Garde la foi.
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